J’avais fui le jour jusqu’au plus profond de cette forêt, espérant y trouver un endroit où je pourrais me terrer pour la journée. Mon vol s’était fait sans trop de difficultés, j’étais assez à l’est pour que la nuit règne encore deux bonnes heures. Ha! J’adorais l’odeur du boisé, le bois frais détrempé par la rosé lourde.
J’avançais avec légèreté, me faufilant avec élégance entre les arbres. Plus que je m’aventurais au cœur de la forêt, j’entendais avec difficulté les chants mélodieux des oiseaux matinaux. La terre semblait devenir de plus en plus aigre, le mal l’ayant dévorée de l’intérieur. Oui, j’étais en territoire malin, je sentais le souffle du mal sur ma nuque. Pure dilection!
Bien que je fusse une de ces créatures issues de la profondeur de la nuit, je n’avais aucun lien direct avec le mal, n’étant pas Vampire née. Non, ces vampires-là sortaient des entrailles de l’enfer, des prédateurs assoiffés de carnage. Nous, nous avions été humains bien avant d’avoir eu sur nos langues une goute de cette splendide malédiction.
Sortie du cœur de la nuit, j’aperçu devant moi une vieille bâtisse à moitié dévorée du temps. Les planches de bois du perron étaient pourrîtes, j’en sentais l’odeur subtile. J’escaladai alors les marches pour passer la porte et gravir l’escalier oscillant jusqu’à l’étage supérieur. Je devais me protéger du soleil, je sentais l’aube approcher. Je me jetai sur les fenêtres pour en rabattre les volets de chêne, coupant ainsi l’entré de l’éblouissante lumière matinale.
J’avais aperçu à l’horizon de magnifiques nuages noires, ils me serviraient de bouclier contre le soleil si je devais quitter précipitamment. Je me retournai, j’avais plongé la pièce dans une obscurité rassurante, totale pour un mortel. Seul le feu de l’âtre de la cheminée fumait, faisant bouillir une grande marmite remplie d’un potage aux légumes. La table avait été mise, une table délicieusement garnie. Cela faisait déjà des décennies que je n’avais pas engloutis un repas mortel, me sustentant que de sang. Nos organismes étant morts, nos corps ne demandent que du sang, car c’est l’esprit malin Amel qui en est assoiffé, nous imposant sa soif. (Cet esprit qui garde notre corps opérationnel et divinement puissant après le trépas. Le même esprit qui unit tous les membres Vampires de ma race)
Bref, je m’approchai tranquillement de la table, mes courbes féminines se balançant au rythme de mes pas. J’humais les multiples effluves qui m’enivraient, et la faim me tenaillait. Je ne m’étais pas encore repue, il me fallait du sang. Je m’approchai de la marmite quand surgit derrière moi une femme dans la force de l’âge, l’œil terrifié, la bouche béante. C’était sans aucun doute une bonne femme de maison, une de ces femmes qui se levaient à l’aube pour préparer le petit déjeuné à toute la famille. Ses habits étaient en triste état, son visage était souillé de poussière et de terre.
Elle restait devant moi sans parler, tandis que je la regardais sans réel expression. Sûrement était-elle saisi par ma surnaturelle beauté, c’était là une de nos caractéristique première, la principale qui nous différenciait de cette autre race abominable
Je m’avançai doucement vers elle, de sorte à ne pas l’effaroucher. Je ne voulais pas qu’elle se débatte dans mes bras lorsque se refermerait mes mâchoires sur sa jugulaire.
Elle n’opposa aucune résistance, se laissant lentement mourir sous mon étreinte langoureuse. Nous sommes des créatures sensuelles, tuant avec raffinement. Le déferlement de son sang dans ma bouche m’extasiait, c’est érotique comme sensation. Je voyais défiler dans ma tête sa vie de mortelle, triste et pauvre. Elle avait deux enfants, deux petits garçons. Ils dormaient à l’étage inférieur, près de la chambre conjugale où le père somnolait toujours. Puis, son cœur se mit à battre frénétiquement, voulant aspirer vers lui le reste de sang que contenaient ses veines. Je sentais même ses artères se contracter.
Je me redressai lentement, regardant sa dépouille. Doucement je la soulevai et descendit les escaliers pour aller la déposer près de son mari. Je fis de même avec lui et leurs enfants, leur épargnant ainsi la douleur lancinante du deuil. Je remontai à l’étage, la noirceur étant beaucoup plus totale.
Je me couchai près de la cheminée sur des sacs de blés et de farines, devenant aussi immobiles qu’une statue. Je m’assoupie doucement, restant vigilante. Mon corps restait en alerte, boucherie mouvante qui n’hésiterait pas à détruire toute forme de vie s’approchant de trop près de moi.
Puis, des bruits de sabots retentirent dans la pièce, mais je dormais maintenant. Je pouvais simplement percevoir l’odeur de son sang dans mes rêveries. J’entendis des bribes de paroles égarées puis les lourds bruits de sabots se rapprocher